L’intégration des habitants dans les politiques de mobilités douces

Par Célia Vadala

Introduction

Construire la ville de demain et rendre attractif le territoire passe aujourd’hui par diverses démarches participatives entre les habitants et les professionnels. Divers projets en ont mesuré les avantages, la participation citoyenne constitue une méthode de projet qui contribue significativement à accélérer et à conforter les processus de décision, à viabiliser dans la durée, des espaces d’activités et des lieux de vie, à inventer des réponses inédites face à des problèmes complexes, à rendre attractives des opérations difficiles à engager, à mieux répondre aux attentes des habitants et des acteurs économiques d’un territoire, à favoriser une éco-citoyenneté partagée et plus largement, à renouveler l’exercice de la démocratie.

La loi d’orientation des mobilités, publiée officiellement le 26 décembre 2019 se pose comme une grande réforme des politiques de mobilité en France. Elle vise à un meilleur investissement de nouvelles solutions de transport pour permettre à tous de se déplacer, et de s’engager vers une mobilité plus verte pour faire face à l’urgence climatique et environnementale. Les besoins et attentes des citoyens évoluent, et les politiques tentent d’y répondre par une transformation profonde des stratégies de mobilité. L’un des piliers de la loi d’orientation des mobilités concerne l’engagement vers une mobilité plus propre, incluant diverses actions et notamment un plan vélo inédit.

Les initiatives des collectivités en France

Plusieurs collectivités en France ont intégrer leurs habitants dans leur stratégie vélo en prenant en compte leurs avis à travers différents ateliers mis en place en parallèle de la construction du Plan Vélo. Il peut être judicieux de s’approprier ces différentes méthodes, en phase initial jusqu’à la phase finale de ce plan, afin d’accompagner le changement.

Une initiative intéressante est celle de la communauté de communes du Bassin de Pompey en Lorraine (41049 habitants). Depuis le 30 mars 2021, elle a décidé de créer un Plan Vélo participatif afin d’imaginer le vélo de demain, et co-construire des solutions avec les habitants. Pour cela, ce plan s’est dessiné en trois étapes :

  • A travers un rapide questionnaire : les cyclistes et non-cyclistes ont été invités à y répondre pour exprimer leur pratique cyclable, ainsi que les aménagements et services à développer pour permettre de favoriser ce mode doux, notamment dans le cadre de déplacements quotidiens vers le travail ou l’école
  • Des ateliers de cartographie participative : en fonction de la zone géographique, quatre ateliers (en visioconférence) ont été mis en place afin de recueillir l’avis des citoyens sur les besoins en liaisons cyclables et en stationnement vélo
  • La création d’un « comité vélo » composé d’habitants, d’usagers vélo et acteurs du territoire issus du monde associatif et économique. Cette nouvelle instance participative travaillera de façon collective afin de construire les différents scénarios d’aménagements cyclables et sera intégrée aux échanges pour choisir le scénario le plus adapté (source : « la participation et le comité vélo », Bassin de Pompey)
Ville de Pessac – des discontinuités et des manques identifiées grâce au retours des habitants
Source : A’Urba, 2021

Un autre exemple peut être présenté : la commune de Charenton-le-Pont en Île-de-France (31 110 habitants en 2021) élabore actuellement un Plan Vélo avec ses habitants. La municipalité souhaite adapter la Ville d’aujourd’hui aux besoins de demain, et en faire une ville plus apaisée notamment avec le développement de la mobilité douce sur son territoire. Durant l’été 2021, différents ateliers de concertation sont organisés pour ce futur projet partagé, afin de recueillir l’avis de tous les usagers sur les aménagements cyclables ainsi que sur le partage des voies entre les différentes mobilités. Pour cela, plusieurs modules numériques accessibles sur le site de la ville ont été créés :

  • Un quizz pour tester les connaissances sur le réseau de circulation de la Ville et d’en connaître les aménagements cyclables ;
  • Une carte interactive pour choisir le lieu des futures bornes de réparation et de gonflage vélo, les options préalablement choisies pouvant être votées et commentées ;
  • Une carte interactive pour choisir les futurs emplacements des arceaux vélo (les arceaux vélo déjà existants apparaissent sur la carte) : pour aider la Ville à prioriser les lieux les plus adaptés pour l’installation de nouveaux arceaux ;
  • Une concertation pour participer à la réflexion sur l’usage de l’espace public par toutes les mobilités. Les usagers sont invités à déposer une idée d’après les différentes questions posées par la Ville (les lieux à améliorer, les espaces bien agencés de la Ville) et à les indiquer sur la carte à l’emplacement correspondant.

Des axes de réflexion pour les collectivités

Il est important de communiquer pour aider les usagers à franchir le pas du vélo dans une démarche de concertation. Il s’agit d’adapter et de personnaliser certaines des initiatives à chaque territoire.

Des ateliers sur les temps périscolaires dans les écoles peuvent être envisagés, avec différentes animations proposées : parcours sur la sécurité à vélo, vidéos animations autour de l’importance de la mobilité dans la transition écologique, jeu de plateau… Toutes ces animations permettraient de recueillir l’avis des plus jeunes, et leur ressenti vis-à-vis de cette thématique.

L’implication des étudiants dans la construction de ce plan est également essentielle. Pour les engager dans cette démarche de co-construction, un groupe pluridisciplinaire d’étudiants (géographie, architecture, environnement, urbanisme) pourrait travailler en concertation afin de proposer ses idées, notamment autour des campus.

Toujours dans cette démarche de co-construction, les villes peuvent proposer à un collectif d’habitants d’intégrer le comité de pilotage pour l’associer à la prise de décisions.
Le numérique est de plus en plus présent dans nos vies, et ce encore plus depuis la période de COVID- 19 qui nous a amené à repenser notre manière de réaliser et de créer les outils de travail. De nouvelles façons de dialoguer apparaissent, et c’est en ce sens que la Ville doit s’en saisir de manière à intégrer les citoyens dans ses futurs projets.

L’ensemble de ces initiatives sont le reflet d’une volonté des collectivités d’intégrer les habitants dans des projets qui les concernent directement. Le but est d’être au plus près des habitants pour pouvoir répondre au mieux à leurs besoins en matière de mobilité douce. L’idée est aussi de susciter l’envie d’aller vers ce mode de locomotion. D’où l’association de la population à l’ensemble du processus d’élaboration des plans vélo dans une vision participative des enjeux de mobilité de chaque territoire.

Bibliographie :

  • Communauté de Communes Bassin de Pompey, 2021, « Un plan vélo participatif sur le bassin de Pompey »
  • Conseil économique et social des Nations Unies, 2021, « Recommandations en faveur d’un transport durable respectueux de l’environnement et de la santé − « bâtir un avenir meilleur » », réunion de haut niveau sur les transports, la santé et l’environnement, ECE/AC.21/2021/6 EUCHP / PDF Free Download (docplayer.fr)
  • Ministère de la Transition Écologique, 2018, « Plan vélo et mobilités actives »,
  • Ministère de la Transition Écologique, 2021, « le vélo et la marche, des modes de déplacements vertueux et avantageux »
  • Conseil économique et social des Nations Unies, 2021, « Recommandations en faveur d’un transport durable respectueux de l’environnement et de la santé − « bâtir un avenir meilleur » », réunion de haut niveau sur les transports, la santé et l’environnement