L’expérimentation à destination des jeunes : un tremplin vers le développement territorial de l’écomobilité

Mots clefs : Mobilité, écomobilité, stratégie, outils, semaine de la mobilité

         Au cours du XXe siècle, la France a connu une forte évolution de ses formes urbaines et notamment un processus d’étalement urbain dont les conséquences ont bousculé nos modes de déplacements. Ces derniers, considérablement multipliés, se sont vus entraîner une popularisation massive de l’automobile entrainant avec elle un nouveau rapport à l’espace (Lévy, 2012). L’aménagement du territoire s’est développé vers des espaces-villes unifonctionnels sur lesquels les transports ont pris une place considérable. Ces espaces quadrillés par l’aménagement urbain, sont témoins d’une circulation de la population qui l’occupe entre des lieux aux différentes fonctions que sont notamment l’habitation, le travail, la consommation, la recréation (Duvignaud, 1977 in Stryckman, 1992). Initialement, ces aménagements avaient pour objectif de faciliter les déplacements des individus et de développer les activités sur les territoires. Néanmoins, de nouvelles problématiques sont apparues au fil du temps. La place de la voiture est devenue très controversée par une prise de conscience globale, de la part des politiques et de la population, des impacts négatifs de cette dernière sur leur environnement et leur santé. Afin de transformer nos habitudes de déplacements afin d’aller vers une mobilité dites « douces », non ou peu polluante, les collectivités entame de nouvelles stratégies pour les mobilités. Cette aspiration passe par la promotion et la sensibilisation des solutions de mobilités alternatives à la voiture individuelle (vélo, marche, transports en commun, co-voiturage, etc.). Les collectivités territoriales et leurs partenaires, tentent de déployer, de manière régulière, des actions de promotion de ces modes alternatifs à destination de différents publics. Parmi eux, les « jeunes », enfants et adolescents, sont une cible stratégique pour plusieurs raisons. Cet article interroge ainsi la place des jeunes, enfants et adolescent, dans les stratégies des mobilités des institutions territoriales, ainsi que les outils permettant de les responsabiliser et les engager dans un contexte de transition écologique.

Comment inclure et impliquer les « jeunes » dans les stratégies et démarches écomobiles sur les territoires ?

Les enfants : acteurs du territoire d’aujourd’hui et de demain

Les transports, notamment routier et motorisés, ont des impacts lourds sur notre environnement et notre santé. Selon l’ADEME en 2019, les flux de circulation routière augmentent chaque année de 1,5% en France. 48 000 personnes décèdent chaque année des suites d’une pollution de l’air émise par ces transports. Aussi, selon une étude de l’Insee menée en 2015 et publiée début 2019, ce sont près de 25 millions de salariés français qui se rendent au travail au volant de leur véhicule personnel (70%). Parmi eux, 80% prennent seuls le volant (ADEME). 16% des français empruntent les transports en commun, 7% se rendent au travail à pied et 4% empruntent un deux-roues. Parmi ces 25 millions de français, nombreux sont ceux qui profitent de leur trajet pour déposer leurs enfants à l’école, ou réaliser une course indépendante de leur travail. Au vu de ce contexte et de ces enjeux, il est urgent et nécessaire de repenser les modes de déplacement quotidien de la population, en offrant aux territoires une multimodalité inclusive et adapté. 

Source : Ademe

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les collectivités territoriales et leurs partenaires, tentent de déployer, de manière régulière, des actions de promotion de ces modes alternatifs à destination de différents publics. Parmi eux, les « jeunes », enfants et adolescents, sont une cible stratégique pour plusieurs raisons. D’une part, souvent dépendant de leur proche (parents, tuteurs, etc.) ou des transport pour se déplacer dû à leur jeune âges, ils ont un impact sur la mobilité de ceux qui les entourent. D’autre part, ils sont les citoyens de demain, ceux qui construiront le territoire, l’habiteront, l’occuperont. Ainsi, l’école, qui est une institution sociale qui œuvre à la mobilité des individus et qui contribue au mouvement des sociétés, peut être un élément de réponse quand à l’éducation aux bonnes pratiques de mobilité. Elle présente un intérêt transversal. Tous les enfants ont à réfléchir « en acte » sur les valeurs fondamentales que sont les droits de l’homme, le respect de la diversité et de la dignité des autres, la participation démocratique et responsable à la vie de la cité (Coste, Cavali, 2015). Parallèlement, leur apprentissage et l’avis qu’ils vont se forger, peuvent se transmettre à l’adulte par l’ensemble de ces valeurs (communication, tolérance, etc.) que les enfants auront acquis. Dans ce sens, l’éducation au développement durable et plus précisément l’éducation aux bonnes pratiques de mobilité, représente un enjeu fort sur les territoires. Si, comme pour les générations précédentes, la sensibilisation et l’apprentissage de ces bonnes pratiques ne sont que très peu présents voire oubliés, les enjeux environnementaux futurs seront plus difficilement rattrapables et les conséquences plus fortes. Dans la mesure ou les jeunes représentent un enjeu particulier, quelle méthode et outils doivent être exploités par les territoires ?

L’expérimentation comme outil de transition

Source : Ademe

Pour changer les habitudes et pratiques des populations en matière de mobilité, les pouvoirs publics français possèdent un bagage d’actions. Parmi elles, l’outil de l’expérimentation paraît être assez efficace pour plusieurs raisons. Souvent aisée à mettre en place et n’engageant aucune partie dans une démarche politique durable, « l’expérimentation est une méthode qui permet aux pouvoirs publics de tester des solutions sur le terrain, durant un temps limité, afin d’en mesurer les effets, et favoriser une prise de décision éclairée » (Conseil d’Etat). Prenons l’exemple d’un challenge de mobilité au sein d’une ou plusieurs. Ces challenges ont pour principal objectif d’inciter les enfants et leurs parents à employer des pratiques de mobilité dites « douces » (vélo, marche à pied, trottinette, etc.). Il a pour vocation de convaincre les enfants et ainsi leurs parents le temps de quelques jours, semaines. Cette approche permet une transition d’un mode de fonctionnement vers un second plus durable.

Pour mettre en place ce genre d’action, il existe également plusieurs outils tel que la semaine de la mobilité qui représente un véritable tremplin aux expérimentations. La Semaine Européenne de la Mobilité (SEM) ou European Mobility Week (EMW) est organisée chaque année dans toute l’Europe du 16 au 22 septembre afin d’inciter les citoyens et les collectivités, de toutes envergures, à employer des modes de déplacements doux le temps de quelques jours. Chaque année, la semaine de la mobilité́ est l’occasion pour les entreprises, collectivités, écoles, etc. de participer a de nombreux challenge de la mobilité avec comme objectif d’inciter un maximum de personnes à emprunter des alternatives à l’autosolisme pour se rendre de leur domicile sur le lieu de travail ou d’enseignement, avec des prix à la clef.

À terme de chaque édition de la semaine européenne de la mobilité, la Commission européenne publie un rapport de participation des communes de toute l’Europe. Ce dernier, mis en ligne sur le site officiel de la semaine (mobilityweek.eu), a pour principal but d’analyser le développement de la campagne. En s’intéressant au rapport 2019, nous remarquons la nette amélioration des niveaux de participation dans plusieurs pays, dont la Pologne (+42), la Turquie (+38), l’Allemagne (+27) ou encore la Grèce (+24). 

Afin d’encourager les jeunes à être écomobiles et pleinement impliqués dans leurs démarches de transition écologique, de nombreuses communes européennes profitent de la semaine de la mobilité́ pour agir. À Malte par exemple, le conseil municipal de Għarb (petite commune de 1 500 habitants) a mis en œuvre une subvention de 30 000 €, lors de l’édition de 2018, afin d’équiper les jeunes de 16 à 18 ans d’un vélo électrique. Nous pouvons noter également les actions de sensibilisation de la commune d’Ahmetbey (environ 4 000 habitants) en Turquie, commune pour laquelle la population est souvent encouragées à réaliser les trajets du quotidien en transport ou à vélo. Durant la semaine de la mobilité́ 2019, les citoyens qui montraient l’exemple en matière d’écomobilité ont été récompensés par des livres gratuits et des abonnements à des magazines. Les enlèves du primaire et du lycée ont également eu le droit aux transports gratuits vers leurs écoles pendant la semaine pour les encourager à emprunter les transports en commun. Enfin, l’Espagne se montre également très innovante pour les jeunes. Lors de cette même semaine 2019, six jours ont été consacrés au vélo dans un lycée de Barcelone. Les lycéens avaient pour objectif de se déplacer uniquement à vélo durant cette période. Pour récompenser leurs efforts et les encourager à employer ces bonnes pratiques durant toute l’année, les six jours entaient conclus par une fête de lycée durant laquelle une tombola avait été organisée. Cette dernière permettait aux étudiants de gagner du matériel de vélo. Ces actions permettent d’appréhender le champ du possible pour aborder les jeunes dans les démarches liées à l’écomobilité. 

En somme, les jeunes sont des cibles stratégiques pour déployer les bonnes pratiques sur les territoires. Les exemples et outils d’expérimentation abordés dans cet article montre que les impliquer peut se faire de manières différentes mais reste abordable et applicable à tous les territoires. Ancrer les jeunes dans ces stratégies de mobilité est déterminant puisque ces derniers, rappelons-le, représentent les générations d’aujourd’hui et de demain. 


Resources :

  • Challenge de la Mobilité inter-entreprises par le Club de la Mobilité : https://www.challengedelamobilite.com
  • Coste D., Cavalli M., 2018, « Retour sur un parcours autour de la médiation », Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], URL : http://journals.openedition.org/rdlc/2975 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdlc.2975 (consulté en juillet 2020).
  • Conseil d’Etat, Développer et améliorer les expérimentations pour des politiques publiques
    plus efficaces et innovantes, dossier de presse.
  • Khodorowsky K., 2015, « Chapitre 3. Marketing à destination des jeunes : comment les séduire ? », dans : Marketing et communication Jeunes. Vendre aux générations Y et Z, sousla direction de Khodorowsky Katherine. Paris, Dunod, « Marketing sectoriel », p. 83 à 149. 
  • Lévy J., 2012, « Choix de société », Espaces et sociétés, p.201 à 209. 
  • Site officiel de la Semaine Européenne de la Mobilité : https://mobilityweek.eu/home/
  • Stryckman P., 1992, « Espace et communication réflexion sur le sentiment d’appartenance », Communication et organisation, mis en ligne le 26 mars 2012, consulté le 19 avril 2019. En ligne : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/1546 ; DOI : 10.4000/ communicationorganisation.1546