LA BIODIVERSITE PRAIRIALE

Expérimentation des techniques de télédétection pour l’estimation des pertes de landes et prairies.

Clément Battista, Clémence Gauthier, Lise Oudda, Cynthia Saint-Orens
M2 GTDD – 2020

16/12/2020


LE TERRITOIRE : L’AIRE URBAINE DE BAYONNE

L’aire d’étude s’étend sur la partie sud de l’aire urbaine de Bayonne. Composée de soixante communes sur les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Landes, celle-ci regroupe, en 2016, environ 300 000 habitants sur 1250 km² (Wikipédia, 2020).  Nous avons retenu la partie au sud de l’Adour, dans un souci d’homogénéité paysagère : au nord, les paysages de marais, de grandes cultures au bord de la plaine alluviale, et de forêt landaise dominée par la sylviculture du pin, nous paraissaient peu propices à être traités de la même manière que les pâturages et le parcellaire agricole complexe du piémont et des premières montagnes pyrénéennes. 

La cartographie ci-dessous représente l’occupation du sol de la partie de l’aire urbaine de Bayonne retenue. 

L’aire urbaine de Bayonne présente une forte  concentration de tissu urbain dense et d’espaces artificialisés le long de la côte atlantique, presque sans discontinuer depuis Bayonne jusqu’à la frontière espagnole. 
Le reste du territoire étudié est en majorité composé de forêts de feuillus et mixtes, de champs, de prairies, de landes et broussailles. Nous allons particulièrement étudier ces trois derniers types d’occupation du sol, identifiés sur la carte comme de potentiels pâturages.  L’UNESCO définit le pâturage comme une terre couverte de plantes herbacées avec moins de dix pour cent d’arbres ou de couvert arbustif. Les landes sont caractérisées par une végétation de chaméphytes ligneux de moins de 50 cm de hauteur. 
Ces habitats, reconnus d’intérêt communautaire par l’Union Européenne à Rio en 1992, sont très présents dans le sud-ouest de la France, notamment dans le piémont et la moyenne montagne pyrénéenne. Hors conditions climatiques ou géologiques particulières, ces formations végétales ne sont pas climaciques, et donc fondamentalement dynamiques, car subordonnées à l’action humaine. Sur notre territoire d’étude, le maintien des espaces de landes et prairies est, de fait, dépendant en grande partie du maintien d’activités pastorales : les animaux, en pâturant, limitent le développement d’espèces caractéristiques des fourrés et le progrès de la forêt. 


L’intérêt des landes et prairies est triple ; en effet, ce sont des agroécosystèmes qui allient :

  • Une source de biodiversité, du fait de leur flore complexe, des organismes microbiens hébergés dans leurs sols et des habitats qu’elles procurent ;
  • Un fort couplage des cycles de phosphore/azote/carbone qui limite les émissions de GES (Gaz à effet de serre) et contribue à la préservation de la qualité des eaux (Lemaire, & al, 2015) ;
  • Des zones de continuité écologique, appartenant à la trame verte nationale : elles permettent aux espèces animales et végétales de se déplacer et d’interagir entre elles sur des surfaces suffisamment importantes et diversifiées, moins soumises à l’engrillagement dans les secteurs montagneux.

Or, en dépit de ces qualités reconnues, les surfaces de prairies subissent des pertes importantes en Europe et particulièrement en France, très majoritairement en raison du progrès de la forêt (84%) (Alleaume, S., & al, 2013), entraînant une homogénéisation et une simplification des paysages mais aussi des écosystèmes.


NOS QUESTIONNEMENTS :
– Quelles pertes de landes et prairies constate-t-on dans l’aire urbaine de Bayonne ?
– Quelles sont les causes de ces pertes éventuelles ? Au profit de quels habitats ?
– Quelles solutions envisager ?

Peut-on supposer une perte de biodiversité due au progrès de la forêt sur les landes et prairies dans l’aire urbaine de Bayonne ?
Sous-problématique : Comment conserver les landes et prairies dans ce territoire ?

Les landes et prairies offrent plusieurs services écosystémiques, définis comme les services rendus à l’homme par celle-ci et inversement. On peut notamment citer un rôle de soutien au sol, la végétation prévenant ainsi les avalanches en hiver ;  elles ont aussi un rôle d’approvisionnement, permettant aux bétail élevé de se nourrir ; elles participent de la structure du paysage, en tant qu’élément clef et partie intégrante du patrimoine culturel. A l’inverse, le pastoralisme préserve les pâturages et les entretient.

Schéma des services écosystémiques


PROCESSUS ET RÉSULTATS

Afin d’identifier l’évolution des surfaces dites de “prairies” dans l’aire urbaine bayonnaise, nous avons utilisé la base de données Corine Land Cover (CLC) sur une période de 28 ans (1990/2018).
Pour améliorer nos résultats, nous avons également eu recours à la technique de télédétection. La télédétection, ou détection à distance, qui « convoque la science et la technologie pour acquérir de l’information sur l’espace terrestre sans contact direct » (Marchand-Vaguet, 2006) semble, de fait, un moyen valable pour permettre un suivi de les habitats de landes et prairies. Celle-ci permet d’observer des parcelles de moins de 25 hectares (contrairement à la base de données CLC) : l’utilisation d’images Sentinel-2, de résolution 10 mètres, permet en théorie de détecter des surfaces de 100 m². Toutefois, nous avons choisi de supprimer les détections de moins de 0.5 ha (50 pixels), afin de se focaliser  sur de véritables parcelles, et d’augmenter la proportion de détections justes (Battista, 2020). La période retenue pour ce procédé – quatre ans entre 2016 et 2020 – demeure relativement courte et récente, déterminée par la disponibilité de la donnée source.

Les données CLC nous permettent d’observer une diminution des surfaces de landes et prairies et de forêts dans l’aire urbaine de Bayonne. Toutefois, bien que les espaces arborés aient régressé dans l’ensemble, il semble qu’ils aient à la marge progressé sur les espaces prairiaux et landicoles. L’exemple de Saint-Pée-sur-Nivelle montre ainsi une avancée de la forêt sur les landes et prairies (cf. carte 1).  Selon CLC, en 28 ans, 1.6% des surfaces de landes et prairies supérieures à 25 hectares auraient été remplacées par de la forêt. Toutefois, ces résultats nous paraissent sous-estimés, et critiquables compte-tenu de l’inadéquation entre l’échelle de travail et la base de données d’occupation du sol choisie, notamment car une grande partie des parcelles de landes et prairies font moins de 25 hectares. La télédétection permet alors de donner davantage d’informations. 

Ainsi, sur les 8% de perte entre 2016 et 2020, 4,9% sont dus au progrès de la forêt, soit environ 60%, restant ainsi largement la première cause de régression des espaces landicoles et prairiaux – à comparer avec les 84% à l’échelle européenne. L’exemple d’Ascain (cf.carte 2) caractérise l’avancée des lisières de forêts sur les landes et prairies. On observe alors une succession végétale, c’est-à-dire un changement de végétation qui amène généralement à une fermeture du milieu.

Cette fermeture du milieu traduit le changement complet d’un habitat en un autre habitat. On peut alors en déduire qu’une fois une prairie ou une lande disparue, sa biodiversité disparaît avec. Il faudrait alors plusieurs années d’entretien pour retrouver l’habitat dans une forme typique.

Pour protéger ces associations végétales ouvertes, ainsi que la faune qui leur est associée, nous avons identifié deux solutions majeures : les protections réglementaires associées à une coupe régulière, comme les zones Natura 2000 par exemple, et le pastoralisme.


ZONAGES DE PROTECTION

Le zonage environnemental est une technique d’aménagement consistant à réserver des espaces naturels à un usage particulier. 
Dans l’aire urbaine de Bayonne, 49.5% des landes et prairies sont situées à la fois dans un zonage de protection (tel que le réseau Natura 2000, qui a pour objectif de conserver la biodiversité au niveau européen), et dans des zonages de connaissances (ZNIEFF, arrêtés de protection de biotope). Le zonage de protection garantit, en théorie, la conservation des habitats naturels.
En outre, 34.2% des landes et prairies sont situées uniquement sur des zonages de connaissance. Ces derniers, beaucoup moins contraignants sur le plan légal, offrent moins de possibilités quant à la protection des habitats. 
Enfin, 16.3% de la surface de landes et prairies de l’aire étudiée demeurent hors d’un zonage de protection et de connaissance ; ce sont principalement de petites parcelles dans le piémont. Une intégration de ces territoires dans des zonages environnementaux pourrait garantir la protection et le maintien de leur biodiversité. 
Toutefois, ces zonages ne servent à rien si aucune activité humaine n’est présente pour entretenir les habitats dynamiques que sont les landes et prairies. Dans certains, cas, des actions de coupes de la végétation devenant arbustive permettent de conserver les habitats en bon état (à l’instar des camps militaires ou d’opérations ponctuelles de sauvegarde). Toutefois, ceci ne saurait se généraliser ; il est donc nécessaire de maintenir l’activité pastorale.


RÔLE DE L’ELEVAGE EXTENSIF

L’élevage extensif, ou pâturage extensif, est une méthode d’élevage caractérisée par une faible densité d’animaux à l’hectare. Cette méthode permet l’entretien et la restauration de milieux naturels tels que les prairies et les landes. 
En France, les élevages extensifs ont fortement diminué entre 2000 et 2013 (INSEE, 2016). Cette diminution semble également transparaître dans l’aire urbaine de Bayonne (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt d’Aquitaine, 2014) et se traduit par la réduction de surfaces de landes et prairies sur le territoire. 
En effet, la carte 2 nous montre que les zones de disparition de pâturages correspondent aux lieux où subsistent quelques fermes d’élevage extensif : on peut supposer que c’est dans ces zones que la déprise de l’agro-pastoralisme est importante.  
Si certaines subventions encouragent le maintien des pâturages permanents (Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et Chambre d’Agriculture, 2005), d’autres aides pour l’élevage extensif ont néanmoins disparu (comme l’ICHN) (Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2020). 
On peut supposer que de nouvelles aides en adéquation avec les problématiques locales permettraient de préserver les prairies entretenues par l’élevage extensif sur l’aire urbaine de Bayonne. 

Nous avons souhaité contacter la Chambre d’Agriculture des Pyrénées Atlantiques afin d’avoir un recensement des éleveurs présents dans notre zone. Si la Chambre d’Agriculture n’a pu véritablement nous transmettre ces informations, elle s’est montrée néanmoins très réactive et a pris le temps d’échanger avec nous sur notre projet. 
Nous avons également contacté des associations d’éleveurs et avons tenté de recenser manuellement les éleveurs présents dans notre zone.




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BIBLIOGRAPHIE