Comprendre le cas du Darwin Éco-système
Que vous soyez bordelais pure souche, parisien descendu s’encanailler en province ou touriste de passage, vous avez forcément entendu parler du Darwin Éco-système (peut-être même plus que de Darwin lui-même). Cet OVNI qui s’insère à merveille dans le renouveau de la Métropole est par définition ouvert à tous, bien que le concept même semble limitatif. Centre culturel hyper huppé, lieu d’implantation de toutes les start-ups du moment, siège d’un certain nombre d’associations de bricolage participatif et de rénovation en tout genre, il est animé par la jeunesse dynamique et barbue qui chausse ses bottes pour aller siroter des cocktails bio à proximité de la Garonne.
Dépassons un peu cette vision caricaturale, le projet est pluspérenne que ça et fête récemment ses 10 ans d’existence! Au-delà de l’aspect réappropriation d’une friche, c’est une véritable pépinière d’entreprises qui est installée caserne Niel. Un cœur actif qui connu et reconnu bien au-delà des limites de la Métropole, et qui fait des petits! La géographie fait évoluer la définition de la ville en s’appuyant sur les éléments qui la caractérisent. Aujourd’hui, à l’heure de l’économie circulaire, des systèmes intégrés et des lieux alternatifs des espaces comme Darwin éco-système sont devenus incontournables.
Que dire de plus? Nous avons maintenant suffisamment de recul pour interroger le phénomène, en comprendre l’impact sur le territoire et étudier les « enfants » de Darwin dans les autres métropoles françaises.
Commençons d’abord par un rapide tour d’horizon de la nouvelle place to be bordelaise
http://https://www.youtube.com/watch?v=hiRB9fcBRWA&t=1s
L’histoire de l’Éco-système est celle d’une réhabilitation successive qui parvient à faire « du neuf avec l’ancien ». Depuis 1850, le site est propriété de l’armée et accueille plusieurs régiments et notamment les magasins généraux. Dans les années 2000, les réformes budgétaires successives de l’armée amènent la fermeture de ces casernes et l’abandon des bâtiments. Leur occupation par le groupe « Évolution » et les premiers darwiniens se fait rapidement. C’est alors qu’apparaît la notion d’éco-système urbain . On ne peut pas dire que sur le site des casernes se développent plusieurs activités concurrentes ou complémentaires, c’est un ensemble, qui ne peut exister que sous cette forme hétérogène, qui voit le jour et grandit. On peut retenir deux aspects : les activités économiques au sein de l’espace de co-working (le premier de France!) et les activités associatives sur le reste du terrain.
Cette évolution urbain est le résultat de plusieurs procédés observés dans d’autres métropoles: la réappropriation d’une friche industrielle, la synergie de différents acteurs du territoire, la dimension partagée et ouverte, la volonté de construire un modèle nouveau et durable. On aboutit à une entité très étrange qui se caractérise par son originalité (tant sur le plan philosophique que physique) mais que l’on peut facilement identifier et regrouper dans une nouvelle catégorie d’éléments urbains.
Deux exemples dans la même branche que Darwin Éco-système
La Friche de Marseille
Motoco à Mulhouse
C’est ce que j’appelle nouveaux espaces de la sociabilité durable. «Nouveaux» car c’est un phénomène récent (les réappropriations des friches de Détroit peuvent faire figure d’avant-garde). «Espaces» car ce sont des projets qui ont une très forte emprise urbaine, souvent implantés dans des lieux iconiques de la ville (quoi de plus marquant que de créer un potager bio dans une ancienne zone industrielle?) avec la volonté de rayonner. «Sociabilité» renvoie à plusieurs éléments, les porteurs du projet, ceux qui s’y rattachent, les populations qui viennent en tant que visiteurs et également une certaine forme d’entre-soi qui est souvent critiqué voire caricaturé. Et «durable» enfin car malgré l’aspect bricolage, amateur (parfois squatteur) revendiqué, ces projets sont toujours pensé à long terme dans l’objectif de modifier en profondeur les pratiques d’un quartier. C’est une dimension importante qui entre en contradiction avec celle d’effet de mode parfois utilisée pour analyser ce phénomène.
En guise de conclusion on peut justement interroger cette pérennité. Très récemment le site du Darwin Éco-système a publié un appel au soutien. Une longue page Web est consacrée à décrire une situation de conflit entre les porteurs du projet, la Métropole de Bordeaux et des promoteurs immobiliers. On comprend que le maintien des activités associatives de Darwin est remis en cause en raison d’un certain nombre de questions foncières notamment. Sans avoir tout le détail des procédures engagées, la lecture de cette page permet de comprendre la confrontation qu’il existe entre deux systèmes: l’Éco-système qui voit que son modèle fonctionne, qu’il permet à la fois un équilibre économique et une activité associative en dépassant les structures foncières classiques et la Métropole qui a besoin de rigueur, de précision et de « surface utile ». On observe peut-être ici une limite à franchir pour ce nouveau modèle émergent: celui de s’insérer et de faire autorité dans un tissu urbain sous tension et de promouvoir un fonctionnement qui soit bénéfique pour tous.