Division parcellaire : Impact et potentiel
Morgane BOIVENT
Des espaces agro-forestiers en constante diminution, des espaces urbanisés de plus en plus présents, un réchauffement climatique en accélération. Ces trois facteurs provoquent un changement de l’armature urbaine existante par une densification des centralités. Le processus de division parcellaire (DP) est un outil de la densification issu d’initiatives privées difficile à maîtriser pour les collectivités. L’augmentation de la population amène de nouveaux questionnements en matière de stratégie territoriale. Entre atouts et limites, comment ces divisions foncières peuvent-elles servir les politiques actuelles de lutte contre l’étalement urbain avec une demande de logements toujours plus conséquente ?
L’étalement urbain est propre à chaque territoire, il peut s’élargir de façon continue ou émiettée en fonction de la morphologie du sol et de l’armature urbaine existante. Cette tâche urbaine grossissante offre un tissu résidentiel conséquent et incite des déplacements longs et coûteux pour les collectivités et les populations qui dépendent d’un noyau urbain (Laugier, 2012). La densification apparaît comme étant une solution efficiente pour lutter contre l’étalement urbain. Elle peut également profiter aux espaces naturels forestiers et agricoles. La question des densités dans les centres suscite une attention particulière pour les politiques publiques émergentes depuis les années 1990 avec la lutte contre le réchauffement climatique. Parmi les outils de la densification, la DP apparaît comme étant une densification dite « douce », (Touati, Crozy, 2015) issue d’initiatives privées difficiles à contenir et encore trop peu connue et maîtrisée par les collectivités. De ce fait, comment peut-on anticiper le phénomène de DP dans l’enjeu de densification des communes ?
Contexte de l’Etude « Division Parcellaire »
Le processus de densification des tissus pavillonnaires par la DP est une nouvelle filière de production de logement sur les territoires. Cet article propose une étude de cas sur le territoire du SYBARVAL (Syndicat mixte du Bassin d’Arcachon et du Val de l’Eyre). Le stage effectué porte en partie sur l’étude « Division Parcellaire » issue d’une convention triennale du SYBARVAL souhaitant être accompagné par le CAUE de la Gironde dans le cadre de l’élaboration de son SCoT.
Situé au Sud-Ouest de la métropole Bordelaise, le SYBARVAL regroupe trois intercommunalités (figure 1) : la COBAN, la COBAN et la Communauté de commune du Val de l’Eyre. Le SYBARVAL est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre et du suivi du SCoT à l’échelle de ces dix-sept communes.
Figure 1 : Communauté de commune et communes du SYBARVAL
L’attractivité de ce territoire est due principalement à sa proximité avec la métropole Bordelaise, à la qualité de vie et paysagère de ce territoire, en plus des dynamiques liées au tourisme. La démographie sur ce territoire est en constante augmentation, il compte plus de 2200 habitants supplémentaires par an en moyenne. Il constitue l’un des territoires les plus dynamiques et attractifs de la région Nouvelle Aquitaine. La population a doublé en cinquante ans passant de 70 000 habitants en 1970 à 150 000 habitants en 2015 (CITADIA, 2019).
J’ai effectué mon stage de six mois au sein du CAUE de la Gironde. Cette association d’utilitée publique a pour mission de promouvoir la qualité architecturale, l’urbanisme et l’environnement. Le CAUE 33 est présent pour conseiller, former, informer et sensibiliser les collectivités girondines. Il offre ses services techniques, pédagogiques et culturels pour les collectivités, les particuliers, les enseignants et le jeune public. La mission que j’ai effectué est affiliée au pôle « Collectivité » et auprès de l’équipe des urbanistes.
Cette mission avait pour but de porter à connaissance et de donner un cadre d’application à la DP pour amener des stratégies adaptées à son encadrement dans le SCoT, mais également dans les PLU et PLUi. Cette assistance à la maîtrise d’ouvrage permet d’apporter un regard critique sur la situation du phénomène, de dresser les grandes tendances, en plus d’établir un constat.
Méthodologie de l’Etude « Division Parcellaire »
Est qualifié de division parcellaire, un détachement d’une ou plusieurs parcelles destinées à la construction. Elles sont issues d’une parcelle d’origine déjà bâtie. Ne sont pas pris en considération dans cette étude, les détachements de lots issus d’une parcelle d’origine nue (CAUE 33, 2019). Pour les collectivités, ces parcelles nues sont simples à repérer sur un cadastre et participent à une intensification urbaine des dents creuses. L’étude propose de porter à connaissance le rythme et la proportion des divisions observées de 2009 à 2018.
Le recueil des données s’est effectué au sein des mairies de chaque commune en lien avec le service urbanisme. L’étude ainsi que ses outils ont également été présentés aux services instructeurs et aux maires dans chaque commune. Les données ont été récoltées dans le but de répondre aux critères ci-dessous afin de pouvoir les analyser par le biais d’une base de données (figure 2). Etant un document de travail utilisé durant l’étude, ce tableau fait partie du livrable final que chaque commune a reçu courant septembre pour s’approprier la méthode de récolte, pouvoir l’effectuer et observer les divisions à l’œuvre sur leur territoire.
Figure 2 : Données récoltées pour réaliser l’étude « Division Parcellaire » – Réalisé par Boivent M., 2019 – Source : CAUE 33, 2019
Dynamiques et impacts sur le territoire
Résultats de l’étude
Des dynamiques inégales peuvent apparaitre sur le territoire à l’échelle locale. Des communes sont plus ou moins touchées par le phénomène de DP (figure 3).
Sur la période de cette étude (10 ans), les communes littorales possèdent un tissu urbain déjà très dense. Le pourcentage de DP est donc faible. Les communes sur l’axe « Bordeaux – Bassin d’Arcachon » offrent des parcelles de taille raisonnable pour y construire un logement. Le prix du foncier y est encore accessible. La taille des parcelles joue également un rôle important. Elles ont une propension à se diviser plusieurs fois et permettent la construction de plusieurs logements. Le potentiel de re-division après un simple détachement d’une grande parcelle est à prévoir.
Figure 3 : Part des logements créés par division parcellaire en fonction du nombre total de logements créés sur la période 2009-2018 – Réalisé par BRAULT B., 2019 – Source : Étude « Division Parcellaire », SITADEL 2
A l’échelle du SYBARVAL, le recensement effectué donne 3013 divisions foncières générant 4562 lots/logements avec une surface moyenne de 1000 m² de surface détachée issu d’une surface d’origine moyenne de 3000 m². Une distinction a été effectuée, avant et après la loi ALUR, (figure 4). En effet la loi ALUR du 24 mars 2014, supprime la taille minimale des parcelles et le coefficient d’occupation du sol. Une parcelle détachée n’a plus de limite (taille et pourcentage du bâti). Un logement peut recouvrir en totalité le sol de la parcelle en fonction des réglementations du document d’urbanisme communal. Sur ce graphique une baisse significative est observée en 2013, dans l’attente de diviser une parcelle mère en plus grand nombre et plus petites en 2014, ce qui représente un gain non négligeable pour le particulier.
Figure 4 : Nombre de logements issus du processus de division parcellaire entre 2009 et 2018 – Réalisé par BRAULT B. et BOIVENT M. dans le cadre de l’étude « Division Parcellaire », 2019
Mais qu’en est-il pour les collectivités territoriales ?
Avec ce phénomène, les collectivités voient leur armature urbaine et leur structure paysagère évoluer. La complexité est de savoir quand, où et comment ces divisions voient le jour pour prévoir le nombre de nouveaux logements et d’habitants pouvant être accueillis sur le territoire. Les moyens humains et administratifs étant limités, il est nécessaire d’avoir un document d’urbanisme encadré pour encourager la « bonne » division (Touati, Crozy,2015) (figure 5). Le but est :
– de limiter les parcelles trop petites pour le bien-être de la population, tant pour l’habitant qui y vivra mais également pour ses voisins ;
– de garder une harmonie paysagère à laquelle s’engage la commune ;
– de limiter une artificialisation des sols sur la parcelle pour limiter les fractures écologiques et maintenir la biodiversité ordinaire présente sur le territoire ;
– d’être en accord avec les réseaux déjà existants (routes, eau, électricité…) ;
– de pouvoir répondre à la demande des citoyens et offrir des services décents.
Figure 5 : Exemples de divisions parcellaires à l’issue d’une parcelle d’origine sur la période 2009-2018 – D’une structure de division déformée à une division raisonnée – Réalisé par BRAULT B. et BOIVENT M. dans le cadre de l’étude « Division Parcellaire », 2019
Des caractéristiques sont propres à chaque territoire, les réglementations intégrées dans les documents d’urbanisme locaux sont également à prendre en compte. La maîtrise de la division se traduit par différentes réglementations pouvant s’effectuer en cohérence avec le zonage de son territoire et pouvant jouer sur la compilation et cohérence des articles entre eux, (figure 6).
Figure 6 : Traduction réglementaire – Réalisé par Boivent M., 2019 – Source : CAUE de la Gironde, 2018 – Photo personnelle – Zonage du PLU 2017 de la commune d’Arcachon
La réglementation peut encadrer convenablement un phénomène indépendant et s’en emparer pour limiter l’étalement urbain. Ces parcelles sont regardées avec attention par le Syndicat Mixte pour quantifier le potentiel restant et ainsi justifier convenablement les ouvertures à l’urbanisation en étalement qu’il propose. Cette étude permet également de recenser le parc bâti : nouveau et ancien sur le territoire, avec une logique de revalorisation du patrimoine et d’économie énergétique dans le cadre de l’élaboration de son PCAET. L’anticipation des besoins de la population est également possible pour les communes.
Conclusion
La division parcellaire permet de lutter contre l’étalement urbain, mais elle reste complexe pour la gestion territoriale et environnementale. C’est pourquoi les collectivités ne peuvent pas compter sur ce seul volet de densification (en plus du parcellaire ; verticale – interne au bâtiment – réhabilitation – changement de destination – dents creuses). Cette densification a besoin de diverses formes d’évolution pour être adaptée à l’échelle d’un pavillon, d’un quartier, d’un centre-ville, d’une commune et d’une intercommunalité. Elle ne peut pas non plus se satisfaire des simples limites administratives communales. C’est pour cette raison que son encadrement doit être réalisé à une échelle plus globale que communale en prenant en compte les spécificités de chaque commune pour être vécue et encouragée par les décideurs et particuliers comme étant un phénomène maîtrisé et agréable.
Bibliographie
- CAUE 33, 2019, Etude « division parcellaire »
- CITADIA, 2019, Bureau d’étude appelé pour la rédaction du SCoT du SYBARVAL
- SYBARVAL, 2019, Document de présentation et convention à consulter sur le site
- Laugier R., 2012, L’étalement urbain en France, synthèse documentaire, CRDALN 23p
- Touati A., Crozy J. dir., 2015, La densification résidentielle au service du renouvellement urbain : stratégies et outils – Ed. Documentation française, PUCA, CEREMA, 271p