COOPÉRATION INTER-TERRITORIALE
La métropole de bordeaux et ses territoires voisins
Rodolphe JEANBLANC
Depuis quelques années la métropole de Bordeaux est engagée dans une démarche de coopération territoriale visant à créer des partenariats, dans différents domaines, entre la métropole et les communes voisines avec l’objectif d’un développement territorial équilibré. Dans le cadre de mon stage j’ai donc pu appuyer le service des coopérations dans leurs projets en cours.
Le concept d’inter-territorialité
Le concept d’inter-territorialité a été largement développé par le géographe Martin Vanier qu’il définit comme étant un nouveau mode de construction territoriale qui « dépasse les frontières horizontales entre périmètres, les limites verticales entre échelle et les clivages entre acteur public et privé » (VANIER, (2015)
Il faut donc considérer tous les acteurs du territoire pour permettre la mise en œuvre de nouvelles dynamiques territoriales innovantes. Ces coopérations sont basées sur une logique de réciprocité dans le déploiement de projets interterritoriaux qui permettent de maintenir un certain équilibre territorial en réduisant les fractures socio-économiques.
C’est dans ce sens que le service des coopérations territoriales de Bordeaux Métropole est aujourd’hui entièrement mobilisé sur ces questions qui ont pris une place considérable dans le débat politique et la stratégie politique métropolitaine.
La métropole Bordelaise est la plus dense et peuplée du département girondin avec 783 000 habitants. Elle regroupe 28 communes autour de la ville centre de Bordeaux qui compte 243 626 habitants. Elle possède donc une démographie importante du fait de sa localisation géographique, de ses caractéristiques paysagères et de sa concentration d’activités puisqu’elle est l’unique métropole de la région Nouvelle-Aquitaine.
La place de l’action métropolitaine est donc indispensable dans le développement des coopérations interterritoriales car ses aires d’influence, infrarégionale et supra-départementale, permettent d’avoir une certaine marge de manœuvre dans la conduite de projets sur le territoire.
La coopération interterritoriale est donc un enjeu politique fort du fait des nouvelles dynamiques territoriales en œuvre et des nouveaux enjeux et attentes des citoyens notamment vis-à-vis des métropoles qui concentrent l’attractivité. Il faut donc trouver les bonnes échelles, les bons outils pour créer des partenariats avec des territoires voisins, dans une logique de développement et d’apport mutuel.
Aujourd’hui et de plus en plus, les grandes agglomérations sont considérées comme opposées aux espaces ruraux, asséchant les territoires en captant l’activité économique et l’attractivité. Mais il existe une vraie complémentarité entre territoires notamment dans une logique de besoins et de ressources profitables à tous les territoires.
Même si la notion de développement durable à mis du temps à être intégrée dans l’aménagement et le développement du territoire, elle est aujourd’hui centrale dans la mise en place des politiques publiques et revêt la capacité des territoires à collaborer pour être résilients face aux changements.
Dans le cadre de coopération interterritoriale, comment peut-on mettre en place de nouveaux systèmes territoriaux innovants en réunissant les acteurs territoriaux autour d’un enjeu commun : la transition écologique ?
Les coopérations mises en place par la métropole se formalisent par l’élaboration de protocoles qui permet d’établir un plan d’action selon les axes identifiés en amont. Dans un second temps le service des coopérations va jouer un rôle de coordinateur en associant les services techniques compétents autant en interne qu’en externe.
Les axes à travailler sont dégagés lors des premières réunions dans le but de travailler sur des actions opérationnelles et pragmatiques dans logique de réciprocité. Dans le cadre de mon stage j’ai été amené à identifier et à travailler sur une pluralité de thématiques énoncées ci-dessous.
Les axes de coopération privilégiés :
La gouvernance alimentaire, est un sujet fondamental dans les protocoles de coopération menés par le service. La question alimentaire est une problématique majeure sur le territoire notamment avec l’autonomie presque inexistante de Bordeaux Métropole en termes de produits frais. Cet axe est développé avec la plupart des territoires dans le but de mettre en place des circuits alimentaires locaux et durables sur le territoire et s’appuie sur le Conseil Consultatif de gouvernance Alimentaire qui est une instance interne de Bordeaux Métropole.
Les coopérations autour de l’axe économique permettent de mettre en place des dispositifs favorisant l’attraction des territoires notamment avec le marketing territorial avec des réflexions communes sur l’aménagement de parcs d’activités dans les domaines industriels et logistiques.
Les projets d’amélioration des moyens de mobilité sur l’ensemble du territoire sont indispensables et complémentaires aux axes développés ci-dessus. Cet axe de coopération permet d’une part de mettre en place des actions de lobbying commun auprès du syndicat Nouvelle Aquitaine Mobilité pour mieux organiser les dessertes ferroviaires et élaborer des plans de développement du réseau de transport en commun ou individuel à différentes échelles
Pour le bon suivi des coopérations, la gouvernance s’appuie sur un comité de suivi et un comité de pilotage qui se réunissent régulièrement pour échanger autour des avancées.
Pour mettre en mettre en évidence les bienfaits des mécanismes de coopérations je vais présenter succinctement l’exemple de la coopération avec Val de Garonne Agglomération sur lequel j’ai pu apporter ma contribution dans la définition des enjeux, l’animation de réunions et l’élaboration de cartographies dans le but de donner de la lisibilité aux différentes dynamiques.
L’exemple de coopérations avec Val de Garonne Agglomération :
De nombreux territoires présentent des complémentarités en matière d’alimentation et d’agriculture qui peuvent permettre la création et le développement de systèmes d’alimentation durable. C’est un objectif qui est notamment mise en œuvre dans le protocole de coopération entre Val de Garonne Agglomération et Bordeaux Métropole sur cette thématique.
L’aire métropolitaine est le bassin de consommation le plus important sur l’ensemble de la région Nouvelle Aquitaine avec une demande de plus en plus forte de produits agricoles de qualité. C’est dans cette optique que les actions à mener s’appuient sur les territoires voisins ayant une forte capacité de production grâce à de nombreuses surfaces agricole utiles (figure 1). Un des axes privilégiés est donc celui de la relocalisation des flux alimentaires entre Bordeaux Métropole et VGA qui est un axe privilégié dans la coopération.
Figure 1 : SAU de Bordeaux Métropole et de VGA
Aujourd’hui la majorité de la production agricole du Val de Garonne est d’abord transportée jusqu’au marché de Rungis à Paris pour ensuite être rapatriée à Bordeaux. Ce cheminement présente beaucoup de problèmes comme la fraicheur des aliments, les surconsommations d’énergies, la congestion et bien d’autres.
Dans le but d’imager les flux alimentaires et le nécessaire besoin de relocalisation des systèmes alimentaires, et d’optimisation des flux logistiques, j’ai réalisé un schéma (figure 2) qui a été présenté dans le plan d’action destiné à l’alliance entre Val de Garonne Agglomération et Bordeaux Métropole.
Figure 2 : dynamique des flux alimentaires entre VGA et BM
Le plan d’actions vise à impulser et à déployer des solutions interterritoriales innovantes, avec la requalification de la chaine logistique d’approvisionnement entre Val de Garonne et l’aire métropolitaine qui apportera une solution logistique adaptée aux petits producteurs, leur permettant de livrer leurs produits sur le marché métropolitain. Grâce à la mise en place d’une plateforme logistique leur étant dédiée, ce qui rendrait possible la massification des flux afin d’adapter le transport aux volumes et de mettre en place des transports propres sur des plateformes identifiées de la métropole bordelaise, notamment pour le dernier kilomètre. Ces actions permettent donc de placer une chaine logistique durable permettant la réduction de la consommation énergétique liée au transport alimentaire tout en offrant la possibilité aux citoyens de profiter d’une alimentation locale, et durable. Dans le cadre de ce projet j’ai donc participé aux différentes réunions techniques et de suivi attaché au protocole de coopération mais aussi à un comité d’orientation dans le but de réunir les acteurs locaux concernés tels que les producteurs et les acteurs institutionnels autour des perspectives de développement et la conduite opérationnelle des actions.
Conclusion :
Aujourd’hui la coopération interterritoriale est un enjeu politique fort du fait des préoccupations des collectivités, des citoyens et de l’Etat comme j’ai pu le constater lors de mon stage dans le service des coopérations territoriales de Bordeaux Métropole, les coopérations sont indispensables pour répondre aux problématiques actuelles telles que la transition écologique que j’ai mise en perspective dans cet écrit. Les territoires ont besoin de résoudre leurs problèmes « locaux » mais en évitant de le faire de manière cloisonnée et autonome car ces problèmes publics sortent de cette configuration, et aucun territoire ne peut trouver des solutions s’il ne travail par avec les autres sur des thématiques telles que la mobilité, les ressources, et bien d’autres.
Mais la question essentielle qui se pose dans la mise en place de partenariat entre collectivités, et entre territoires, reste la forme et la manière de coopérer, qui doit permettre de s’adapter aux spécificités de chaque territoire.
Bibliographie :
BOURDIN Alain, (2009) « L’action métropolitaine, version française », Espaces et sociétés, vol. 160-161, no. 1, 2015, pp. 173-187
VANIER Martin. (2015) « Réforme territoriale et espace rural », vol. 228, no. 4, p. 147-153.
CGET., [2017]. 2.1_cnt_-_les_cooperations_entre_territoires.pdf [en ligne]. S.l. : s.n. [Consulté le 23 juin 2019 a]. Disponible à l’adresse : https://www.cget.gouv.fr/sites/cget.gouv.fr/files/atoms/files/2.1_cnt_-_les_cooperations_entre_territoires.pdf.
Jean Marc Offner., [2016]. discoursoffner_web.pdf [en ligne]. S.l. : s.n. [Consulté le 2 Mai 2019 b]. Disponible à l’adresse : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/discoursoffner_web.pdf.
CGET Gouv., [2015]. dp_pacte_etat_metropoles_13012017.pdf [en ligne]. S.l. : s.n. [Consulté le 12 Mai 2019 c]. Disponible à l’adresse : https://www.cget.gouv.fr/sites/cget.gouv.fr/files/atoms/files/dp_pacte_etat_metropoles_13012017.pdf.
Pour aller plus loin :
BOISSEAUX Stéphane, FAURE Alain, LERESCHE Jean-Philippe, MULLER Pierre et NAHRATH Stéphane, (2012). Penser la territorialité des changements d’échelle. In : p. 19.
BOIDIN Bruno, et ABDELKADER Djeflat, (2016) « Présentation. Mutations et questions autour de la coopération décentralisée », Mondes en développement, vol. 175, no. 3, pp. 7-22. BOURDEAU-LEPAGE Lise et HURIOT Jean-Marie, (2009). Proximités et interactions : une reformulation. In : Géographie, économie, société. Vol. Vol. 11, n° 3, p. 233‑249.