La coopération, des institutions aux citoyens, un mode d’action pour des villes et une société plus durables

16 décembre 2020 Non Par Master GTDD

La coopération, quel intérêt

La coopération est un terme qui peut s’appliquer aux hommes comme aux villes. Pour les hommes, la coopération permet de s’organiser ensemble dans le but de créer un projet (Institut des Territoires Coopératifs). Pour les villes, coopérer c’est faire appel à un ensemble d’acteurs, que ce soit des agriculteurs, des étudiants ou des chefs d’entreprises, dans le but de construire un dialogue qui permettra de rendre les villes et les territoires plus durables.

Mais ça veut dire quoi rendre un territoire plus durable ? 

Un territoire qui se veut durable est un territoire qui s’engage dans un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre les besoins des générations futures. Pour cela, il est important de préserver nos ressources, de limiter notre impact sur l’environnement et de veiller à l’épanouissement de chacun. 

Source : D.Bovey / ADEME

En France comme à l’international, les villes rencontrent de plus en plus de problématiques liées, entre autres, à l’urbanisation, à l’artificialisation des sols, à la congestion, au tourisme de masse, au développement économique. Cependant, chaque territoire est différent et les enjeux qui en ressortent le sont également. Par exemple, une ville comme Bordeaux ne rencontrera pas les mêmes problématiques que Limoges ou même Barcelone. C’est pour cela qu’il est important de comprendre qu’il n’existe pas un modèle de développement durable pour les territoires, mais bien des modèles de développement (Mancebo, 2009). 

Mais vous avez compris que rendre un territoire durable en s’appuyant seulement sur ses propres ressources relève du défi insurmontable, c’est pour cela que les villes doivent créer leur coopération en s’appuyant sur les complémentarités et les spécificités des territoires proches et en œuvrant toujours dans une logique gagnant-gagnant : “je te donne quelque chose, mais tu me donnes quelque chose en retour”. Oui, j’ai bien dit “proche”. En effet, la durabilité demande de se recentrer sur le local et d’écarter la mondialisation (Zuindeau, 2012). Pour comprendre cette logique, il faut penser que les villes agissent comme un système ouvert. Elles interagissent avec leur environnement, les flux entrants et sortants (matériels ou immatériels), reçoivent des ressources et en émettent (Paulet, 2009). Ce système est ainsi construit par un ensemble d’acteurs qui constituent sa population et qui entrent dans l’évolution de ce système.

Une coopération basée sur la complémentarité

Réalisation : Montavit, 2020

Alors comment les villes utilisent-elles la coopération pour améliorer leur durabilité et leur résilience ? C’est ce que nous allons voir tout de suite à travers différents champs.

Les thématiques de coopération possibles

Alimentation

Les villes, en particulier les métropoles, sont soumises à un étalement urbain et à une artificialisation des sols de plus en plus importante, devenant des problématiques qui mettent en péril l’approvisionnement de leur population avec des produits de qualité. On le sait aujourd’hui, beaucoup des produits que nous achetons dans les supermarchés ne viennent pas de France et il n’est pas rare de trouver des tomates dans les rayons en plein mois de janvier. Face à une prise de conscience et à des problématiques sociales liées à l’approvisionnement des personnes vulnérables en denrées, les villes cherchent à revoir leur système alimentaire en le rendant plus durable.

Les circuits courts en agriculture : rapprocher le producteur du consommateur et supprimer le plus d’intermédiaires possible. A titre d’exemple, la métropole de Bordeaux a construit avec la ville de Marmande une logistique alimentaire qui permet d’acheminer directement les tomates de Marmande à Bordeaux sans passer par le marché de Rungis de Paris. Un gain de temps et donc de qualité pour les habitants, une réduction des gaz à effet de serre et une plus juste rémunération pour les agriculteurs !

Mobilités et logement

Congestion, hausse des prix du logement, périurbanisation, autant de causes qui font pour un grand nombre de travailleurs la cause de leur cauchemar quotidien. Qui n’a jamais voulu passer 2h dans les bouchons matin et soir pour pouvoir aller travailler et rentrer chez soi ? Pas vous ? En tout cas, pas moi, et je pense que ça devient le cas de plus en plus de personnes. Cependant, ne mettons pas tout sur le dos des voitures et des infrastructures mal adaptées. Parmi les causes de la congestion se trouve la hausse des prix du logement en centre-ville, une densification importante du tissu urbain et un besoin grandissant d’avoir sa maison avec son bout de jardin. L’ensemble de ces phénomènes ont donné lieu à la périurbanisation.

Mais revenons à ce qui nous intéresse, la coopération dans les problématiques des mobilités et du logement. Il serait trop compliqué ici d’entrer dans les détails et de vous parler des limites administratives et des bassins de vie par lesquels les villes établissent leur stratégie. Reprenons donc la problématique de la congestion, qui touche aujourd’hui toutes les grandes villes de France et qui tend à se renforcer. Pour éviter que ce phénomène s’aggrave, les villes mettent en place des infrastructures et services qui permettent aux usagers de la première couronne de se rendre en ville et de la traverser sans avoir besoin d’utiliser leur voiture. On peut, entre autres, citer les aires de covoiturage, les vélos électriques, les gares multimodales, mais également les offres de transports qui avantage les usagers multimodaux. Bref, on voit bien que les villes mettent tout en œuvre pour réduire la congestion, et par conséquent, les nuisances qui lui sont associées (pollution, bruit).

Développement d’aires de covoiturage : Développement d’aires de covoiturage : La ville de Saint-Etienne développe des aires de covoiturage situées le long des grands axes et hors de la ville pour permettre aux automobilistes de se rendre à Lyon et ainsi réduire la congestion (Saint-Etienne). Un bel exemple de coopération qui permet à la ville de Saint-Etienne d’accueillir des habitants qui vont travailler à Lyon et ainsi réduire les bouchons sur la métropole.


Si vous habitez vers Saint-Etienne et souhaitez vous rendre à Lyon, rendez-vous sur https://www.saint-etienne-metropole.fr/services-aux-habitants/deplacements/en-voiture#le-covoiturage pour connaître les aires de covoiturage.

Economie

Les métropoles comme Bordeaux possèdent un tissu économique dense où il devient de plus en plus difficile pour les entreprises de s ‘installer. Il devient donc urgent de développer des pratiques qui permettent aux entreprises et même aux travailleurs de s’émanciper des grandes villes pour rejoindre des villes plus petites qui possèdent un tissu économique aussi avantageux que ceux des métropoles. De plus, dans le cadre d’une coopération sur le volet économique, la ville plus petite bénéficie de l’attractivité de la plus grande grâce à des projets économiques communs. Ce champ de coopération comprend aussi bien le développement et la valorisation de filières locales et de savoir-faire locaux, le soutien à l’innovation et la promotion du télétravail (CGET, 2019).


Multipôles Sud Lorraine : Certaines actions visent non pas à faire coopérer deux villes, mais un ensemble de communes. “Le Syndicat mixte de la Multipole Nancy Sud Lorraine est un espace de coopération et de solidarité entre les 13 intercommunalités composant le sud de la Meurthe-et-Moselle. Il intervient sur un grand bassin de vie de 560 000 habitants, très intégré en termes d’emploi, de mobilités et de services et organisé autour de la Métropole du Grand Nancy, des Pays du Lunévillois, de Terres de Lorraine (du Toulois au Saintois) et du Val-de-Lorraine (de Pont-à-Mousson à Pompey). “ (Rapport d’activité 2017-2018 Nancy Sud Lorraine, 2019)

Les objectifs de la coopération économique pour le territoire de Nancy Sud Lorraine :

Source : Rapport d’activité 2017-2018 Nancy Sud Lorraine, 2019

Tourisme et culture

Le tourisme et la culture sont des points importants pour les villes engagées dans une  coopération. Les territoires urbains, qui possèdent une attractivité importante, disposent de beaucoup plus d’équipements et de moyens pour mettre en avant leur territoire et attirer les touristes français et internationaux. A l’inverse, les territoires ruraux possèdent des atouts dans le développement d’un tourisme vert, de plein air, mais ont souvent plus de mal à attirer les touristes, faute de visibilité et de moyens. Il apparaît alors une réelle opportunité de complémentarité entre le territoire urbain qui cherche à éviter un tourisme de masse ainsi que les nuisances associées (congestion, pollution, pression sur les milieux) et le territoire rural qui est en manque de touristes.

La communication comme promotion touristique : Les offices de tourisme de Bordeaux et de Mont-de-Marsan ont chacun dédié un espace pour promouvoir les évènements et dispositifs touristiques de chacune des deux villes. Les touristes qui se rendent à Bordeaux sont invités à découvrir les offres touristiques de Mont de Marsan et inversement. Une coopération qui permet de partager les publics et de répartir les touristes plus équitablement sur les différents territoires et ainsi réduire la pression et la pollution sur certains espaces.

Tous les exemples donnés ci-dessus relèvent en majorité des institutions, mais il faut que vous sachiez que les citoyens sont souvent à la base de ces initiatives qui émanent de conseils consultatifs et de dispositifs de gouvernance participative.

Le rôle des citoyens dans la coopération

La coopération, c’est avant tout un réseau, des acteurs qui travaillent ensemble pour construire un système qui pourrait traverser les crises, aussi bien économiques et environnementales que sociales. En clair, un système qui respecte et prend en compte les trois piliers du développement durable et qui arrive à évoluer dans cette même logique.  

Les villes, et en particulier les métropoles qui ont plus de moyens pour développer ce mode d’action, évoluent de plus en plus vers un système coopératif. Cependant, comme j’ai pu vous en parler plus haut, il est difficile aussi bien pour une collectivité qu’une personne d’arriver à rendre son système plus coopératif si elle n’est pas accompagnée dans sa démarche et si elle n’utilise pas l’ensemble des acteurs de son système pour y arriver. Et qui sont les principaux acteurs de ce système ? C’est nous, la population. Que vous soyez étudiant, commerçant, chef d’entreprise ou agriculteur, vous faites partie de cette logique de coopération que les villes cherchent de plus en plus à atteindre. La plupart du temps, les collectivités s’appuient sur une base solide d’initiatives déjà existantes pour faire évoluer leur système. 

Il ne tient donc qu’à vous de faire évoluer votre ville vers un système plus durable.

Actualités

Frais et local, le Ministère de l’Agriculture lance une plateforme de recensement des producteurs locaux : https://www.fraisetlocal.fr/

La coopération au goût du jour : http://www.aqui.fr/politiques/libournais-partenariat-rapprochement-bordeaux-metropole-cali-tournant,20553.html

Une plateforme collaborative qui recense les initiatives de Grande-Bretagne : https://www.sustainablefoodplaces.org/coronavirus/

Les circuits courts ont le vent en poupe ! :https://www.liberation.fr/terre/2020/04/02/alimentation-le-boom-des-reseaux-de-circuits-courts_1783577

Le bus à haut niveau de service de Bordeaux : https://www.sudouest.fr/2020/10/02/bordeaux-metropole-les-enquetes-publiques-lancees-pour-le-bus-a-haut-niveau-de-service-bhns-7915881-2780.php

Site de The Global Green Growth Institut qui promeut un développement inclusif et résilient pour les pays en voie de développement, à travers la coopération : https://gggi.org/

Bibliographie :

CGET, 2019, “Les coopérations interterritoriales, zoom sur les coopérations entre métropoles et territoires environnants”, Synthèse  :https://www.cnfpt.fr/sites/default/files/en_detail_synthese_cooperations_interterritoriales_web.pdf

Institut des Territoires Coopératifs, 2020, “La coopération, levier de résilience”, Webinaire, mise en ligne le 02/04/2020, consulté le 18/05/2020, URL : https://instercoop.fr/webinaires-la-cooperation-levier-de-developpement/#webinaire1 

Paulet Jean-Pierre, 2009, « Chapitre 2 – La ville en tant que système », dans : , Manuel de géographie urbaine. sous la direction de Paulet Jean-Pierre. Paris, Armand Colin, « U », p. 31-46

Mancebo François, 2009, Des développements durables en Europe : Quel référentiel pour les politiques de développement durable en Europe ?. Cybergeo : Revue européenne de géographie / European journal of geography, UMR 8504 Géographie-cités, pp.2-21

Rapport d’activité 2017-2018 Nancy Sud Lorraine, 2019 : https://www.nancysudlorraine.fr/UserFiles/File/moyens/190306-rapport-activite-vf-bd.pdf

Saint-Etienne, Le covoiturage : https://www.saint-etienne-metropole.fr/services-aux-habitants/deplacements/en-voiture#le-covoiturage

Zuindeau Bertrand, 2012, « La démondialisation pour le développement durable ? », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n°1