En 2014, nous avons englouti 225 millions de tonnes de steaks, poulets rôtis et côtelettes, contre 70 millions de tonnes en 1960 (Massemin, 2015). Notre consommation de protéines animales ne cesse d’augmenter. Depuis les années 1950, l’élevage s’est fortement intensifié dans les pays occidentaux, ayant permis de donner accès aux produits animaux à toute la population. (Chambert et al, 2008).
Qu’en est-il alors des modes de production et de l’impact environnemental de cette consommation ? Cet article a pour vocation de comprendre les rouages de l’élevage intensif, de l’élevage conventionnel afin de connaître ses limites, ses impacts et proposer des alternatives à ce mode d’élevage dominant.
L’élevage intensif
Définition
L’élevage intensif se définit communément comme un mode d’élevage dont on obtient de hauts rendements zootechniques.
(Chambert et al, 2008)
Difficile de donner une définition stricte de l’élevage intensif. Ce type d’élevage est apparu dans les pays occidentaux à la fin de la seconde guerre mondiale pour faire face aux risques de famine, et il fait aujourd’hui son apparition dans les pays en voie de développement. De par son rendement élevé, ce système permet de nourrir une grande population à moindre coût. (Chambert et al, 2008).
Deux facteurs majeurs caractérisent l’élevage intensif : un chargement élevé sur l’exploitation c’est-à-dire le nombre d’animaux par unité de surface (une exploitation est considérée comme intensive si le chargement est supérieur à 2 Unité Gros Bovin par hectare de Surface Fourragère Principale) et une faible autonomie alimentaire de l’éleveur qui correspond à la proportion de nourriture destinée aux animaux qui est produite sur l’exploitation.
Ce mode d’élevage se caractérise donc par l’utilisation de surfaces réduites, avec une densité élevée de population et une faible surface de culture dédiée à l’alimentation des animaux.
L’agriculture conventionnelle
Ce mode d’élevage s’inscrit dans ce qu’on appelle l’agriculture conventionnelle. Marquée par son caractère productiviste, il s’agit du mode d’agriculture dominant. L’objectif est un accroissement considérable de la productivité en terme de produit par unité de terre utilisée ou unité de travail employée. L’activité agricole est donc immergée dans un processus d’intensification à travers l’utilisation croissants d’ « inputs » (croisement de variétés sélectionnés, fertilisants, pesticides, irrigation, etc.), une spécialisation et une homogénéisation croissantes (Murua, Laajimi, 1995).
Bien qu’il s’agisse du modèle dominant, aujourd’hui avec la prise de conscience croissante dans ces pays de l’importance du concept de durabilité, ce système de production est sujet à controverse.
Son impact environnemental
Ce mode d’élevage a un impact conséquent sur l’environnement, en terme d’émissions de gaz à effet de serre. Selon les chiffres de la FAO en 2016, l’organisation de l’ONU pour l’agriculture et l’alimentation, l’élevage serait responsable de 14,5% des gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique. L’élevage émet trois principaux GES : le méthane (CH4), qui représente environ 44 % des émissions du secteur ; le protoxyde d’azote (N2O) 29 % ; et le CO2, 27 %.
Selon l’INRA, « les élevages ont un impact clairement négatif sur le changement climatique ». Dans l’Union Européenne, les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre de l’élevage sont :
- l’alimentation animale (environ 42%)
- la fermentation entérique et le méthane issu de la digestion des ruminants (22%)
- les effluents d’élevage (17%)
- le transport et la consommation d’énergie (17%).
Un impact sur l’eau et sur l’air
L’élevage intensif a un effet sur la qualité de l’eau. La pollution de l’eau est dû, d’une part, à la quantité excessive de fumier épandue et d’autre part, elle est dû aux cultures de céréales (soja) qui reçoivent d’importantes quantités de pesticides et d’engrais riches en azote et en phosphore. L’enrichissement de l’eau en azote et phosphore contribue à l’eutrophisation des eaux, ainsi qu’à la détérioration de la qualité de l’eau et à la hausse des coûts d’assainissement (INRA, 2016). L’élevage a aussi un impact sur la qualité de l’air puisqu’il est le principal émetteur d’ammoniac (INRA, 2016).
Un effet sur les sols
Les effets de l’élevage sur les sols diffèrent en fonction de l’usage des terres, les effets les plus positifs sont liés aux prairies notamment permanentes et les plus négatifs aux conséquences d’une forte densité animale (INRA, 2016). Dans le cas de l’élevage intensif, les cultures de céréales pour produire les aliments destinés au bétail nécessitent une grande surface agricole et entraîne notamment la déforestation.
Un impact sanitaire
D’un point de vue sanitaire, l’élevage intensif favorise l’émergence de maladies comme ce qui s’est produit en 2009 avec la grippe porcine H1N1. Les conditions d’élevage dans les systèmes intensifs, où les animaux vivent entassés dans des espaces restreints, augmentent les risques de transmission des infections entre animaux. Le stress engendré par l’élevage industriel et la faible diversité génétique portent atteinte à la capacité naturelle des animaux à résister aux infections et à rester en bonne santé (Compassion in World Farming, 2009). Pour pallier ces maladies, des antibiotiques sont souvent donnés aux bêtes afin de réduire les risques de maladie.
Un mode d’élevage controversé …
Ce mode d’élevage est très controversé et est très régulièrement pointé du doigts par les associations de défense de l’environnement et de bien-être animal. L214, par exemple, dénonce bien souvent les élevages intensifs par le biais de vidéos choquantes démontrant la triste réalité des élevages industriels.
Les alternatives
Pour autant, bien que l’élevage intensif domine la production, il existe toujours un autre type d’élevage : l’élevage extensif. L’élevage extensif est un mode d’élevage économe en intrants qui ne recherche ni une forte productivité individuelle par animal, ni par unité de surface. Il s’applique aux systèmes d’élevage à faibles chargements (faible densité par hectare d’animaux) et priorise l’herbe pâturée issue de ressources naturelles (prairies permanentes, prairies naturelles, parcours, etc.) (Horsin et al, 2018). Ce type d’élevage est essentiellement fondé sur l’utilisation des ressources naturelles disponibles. L’élevage extensif se pratique en général sur de vastes espaces, auxquels les animaux accèdent en se déplaçant.
L’objectif dans cet élevage n’est pas de produire toujours plus mais mieux. L’attention est donc davantage portée sur la qualité que la quantité. De fait, l’élevage extensif relève d’une agriculture durable.
Une pratique se développe d’ailleurs de plus en plus : l’éco-pâturage. Il s’agit de mettre à paître des animaux pour conserver des espaces naturels en état sans devoir défricher par engins mécaniques ou utiliser des désherbants. Pour en savoir plus concernant l’éco-pâturage : cf article Marion.
Pour conclure
Comprendre l’élevage intensif en 20 secondes
L’élevage intensif est néfaste pour l’environnement, les animaux mais également pour nous les humains. La viande produite de cette manière est bon marché mais elle se fait au détriment de la qualité. La qualité nutritionnelle en est, de fait, impactée.
Pour une consommation responsable, il est donc préférable de s’orienter vers des modes de production durable en élevage extensif en privilégiant l’agriculture biologique, de proximité, les circuits courts, le label rouge, etc. Une autre manière de consommer de la viande de façon responsable : réduire sa consommation ! Une transition vers une alimentation mondiale faiblement carnée contribuerait à la réduction des émissions de GES : réduction des émissions de méthane et de protoxyde d’azote et de la déforestation pour la production d’aliments destinés aux animaux (Compassion in World Farming, 2009).
Sources :
Thierry Chambert, François Defert, Benjamin Galais, et. al, 2008, « Étude d’un sujet de controverse : L’élevage intensif peut-il s’inscrire dans une agriculture durable ? »
Jean-Paul Charvet, ND, « Élevage », Universalis
Compassion in world farming, 2009, AU-DELÀ DE L’ÉLEVAGE INDUSTRIEL : Solutions durables pour les animaux, les humains et la planète
Anne Horsin, Jean-Pierre Theau, Claire Le Bras, 2018, Elevage extensif : Définition, Dictionnaire d’Agroécologie
INRA, 2016, Résumé du rapport de l’Expertise scientifique collective réalisée par l’inra à la demande des ministères en charge de l’E et de l’Agriculture, et de l’Ademe, Novembre 2016
Émilie Massemin, 2015, « L’élevage, atout ou malédiction pour le climat ? », Reporterre, publié le 1er avril 2015, consulté le 5 décembre
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2016, Élevage et changement climatique : L’action de la FAO face au changement climatique