L’intercommunalité à l’épreuve du projet de territoire : ENTRE CONTRAINTES CONTEXTUELLES ET EFFETS DE LEADERSHIP LOCAUX : L’EXEMPLE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNE DE MONTESQUIEU

L’échelon intercommunal est particulièrement approprié pour visualiser et observer les jeux de dépendances contextuelles et de négociation entre les acteurs du territoire réunis autour d’un projet de développement durable, car c’est une entité territoriale et politique formée de sous-entités distinctes et spécifiques. On observera donc la variation du projet selon les jeux et enjeux politiques qui s’y déroulent.

Cet article se base sur des observations réalisées dans le cadre de l’évaluation d’une démarche d’accompagnement de projet de transition radicale proposé par le Conseil Départemental de la Gironde. L’accueil sur le territoire de la Communauté de communes de Montesquieu d’un projet de transition radicale visant l’accessibilité de tous à une alimentation saine et locale a révélé un clivage droite-gauche très prégnant et contraignant. Progressivement, le projet alimentaire a évolué en fonction des territoires les plus volontaires (Martillac, Saint-Selve et Saucats). Cela a abouti à la réduction du territoire de projet envisagé initialement sur l’ensemble de la Communauté de communes. Les jeux politiques et les différents effets de leadership intercommunal initient des « effet de localités » (SMITH, 2009) et en quelques sortes la dislocation de l’unité territoriale intercommunale. Le développement et les projets territoriaux suivent souvent la partition politique du territoire. Cela soulève également les questions de la légitimité de cet échelon, de sa capacité à fournir des réponses politiques appropriées ainsi que la question de la représentation politique de l’intérêt communautaire mais il s’agit là d’une autre problématique.

Les intercommunalités sont des territoires intermédiaires ; cependant ils font preuve de peu d’intermédiation. Au sein de la Communauté de communes de Montesquieu, on observe peu d’espace de dialogue et de controverse. Les clivages politiques engendrent des arbitrages politiques et une incapacité à énoncer des priorités collectives. Ces tendances sont expressément décrites par Mme Corinne Martinez (présidente de la Communauté de communes) dans l’entretien réalisé lors de la démarche d’évaluation du dispositif d’accompagnement. Le Labo’mobile a révélé deux tendances fondées sur cette absence de consensus politique. On observe un double déficit : peu de dynamiques partenariales et pas ou peu de négociations intercommunales.

De la même manière, à part dans le cadre du Labo’mobile, le Conseil Départemental est mobilisé ponctuellement surtout sur des thématiques liées à la capacité alimentaire et les problématiques agricoles. Il est certain que cette mobilisation a un lien avec le mandat d’élue départementale de Mme Corinne Martinez, Conseillère municipale d’opposition à La Brède, Conseillère communautaire de la CDC de Montesquieu ; et qui cumule au Département les mandats de : Présidente de la commission Agenda 21 et développement durable, Membre de la commission Ports et littoral, Membre de la commission Collèges, Représentante titulaire du Département au sein du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS).

Cette intervention exprime donc une position liée à un double mandat. L’outil « projet de territoire » et la dynamique de projet mettent ici en lumière la formation d’un noyau dur à l’échelle infra-intercommunale. On peut également se demander si ce n’est pas une illustration de l’échec des politiques et actions publiques volontaristes. C’est certainement les effets d’entraînement qui conditionnent l’articulation et l’intermédiation de la CDC. Dès lors, l’action publique intercommunale n’est pas linéaire ou générale mais tributaire des effets de leadership locaux. En considérant la perspective interterritoriale du dispositif Labo’mobile, on peut penser que la multiplication des échelles de décision et les différentes dynamiques partenariales entre les acteurs pourraient être une réponse au problème des dépendances contextuelles.

Références bibliographiques

DUGUA B., TROTTA BRAMBILL G., (2012), « Vers de nouvelles articulations entre plan territorial, plan d’urbanisme et projets urbains Les « lieux transactionnels » de la planification territoriale », Geocarrefour Vol. 87, fév., pp.33-56.

GENIEYS W., SMITH A., BARAIZE F., FAURE A., NEGRIER E., (2000), « Le pouvoir local en débats. Pour une sociologie du rapport entre leadership et territoire », Pôle Sud, vol.13, nov., pp.45-62.

SMITH A, SORBETS C (dir.), (2009), avec Faure A, « 10.Leadership, intercommunalité et action publique – Les nouvelles donnes du jeu politique », Le leadership politique et le territoire, Presses Universitaires de Rennes, pp.229-245