La gestion intégrée des eaux pluviales en milieux urbains

Nicolas DELAGARDE

L’évolution des concepts d’assainissement urbain

La prédominance du « tout au réseau », l’organisation et la structuration des villes sont très marquées par le relief et le réseau hydrographique naturel. Les villes ont souvent été construites à proximité des cours d’eau, ressource indispensable mais aussi source de risques. Le développement urbain a très vite été associé à la nécessité de se protéger contre les inondations et d’évacuer les eaux usées, puis les eaux pluviales. En zone rurale, le puits perdu était la technique la plus répandue, mais la concentration urbaine a conduit à trouver de nouvelles solutions, plus hygiénistes. C’est le concept du « tout-à-l’égout » ou du « tout réseau » qui est choisi au début du XIXe siècle. Il prédomine jusqu’aux années 1950. Dans les années 1960-1970, la généralisation de l’automobile et le développement de l’habitat individuel et des grandes zones commerciales en périphérie conduisent à une augmentation considérable des surfaces imperméabilisées et de l’urbanisation. Ce développement révèle les limites des réseaux et de leur structure qui ramène les flux vers les centres urbains. Les débordements de réseaux sont de plus en plus importants. Se développe alors un concept hydraulique. Ce sont les bassins de retenue qui visent à ralentir l’écoulement sur les surfaces urbanisées. Ce principe a lui aussi ses limites : il est très consommateur d’espace et participe encore à concentrer les flux, qui pour certains se révèlent fortement pollués.

Linéaire du réseau de collecte des eaux usées par abonné et part du réseau unitaire dans le linéaire total (Source : Actu-environnement-Enquête-Eau-2008)

La naissance du principe de gestion intégrée

Des événements catastrophiques dans de nombreuses collectivités ont amené les politiques à repenser les techniques de gestion de l’eau en milieu urbain. Depuis ces événements, les principes d’une gestion intégrée de l’eau dans la ville se sont progressivement formalisés et aujourd’hui largement diffusés. De nombreux écrits techniques préconisent actuellement une approche globale par bassin versant, la prise en compte de l’eau dans l’urbanisme, la déconnexion des eaux pluviales des réseaux d’assainissement, l’utilisation judicieuse et intégrée de techniques alternatives au réseau d’assainissement.

Exemple de dispositifs de gestion des eaux pluviales en milieu urbain (Source : wikhydro.developpement-durable.gouv)

Pour plus d’informations, voici un document édité par le GRAIE sur la stratégie et les solutions d’une gestion intégrée des eaux pluviales en milieu urbain sur la ville de Lyon :

https://www.graie.org/graie/graiedoc/doc_telech/PlaqTA.pdf

Les enjeux de cette gestion intégrée des eaux pluviales

Bien gérer les eaux pluviales en milieu urbain vise différents objectifs comme :

  • Aménager l’espace urbain : cela permet de poursuivre l’urbanisation des secteurs où les réseaux de collecte sont saturés
  • Participer à l’amélioration du cadre de vie : les espaces aménagés pour la gestion de l’eau peuvent jouer un rôle structurant et paysager. Moins minéraux, moins denses, ils constituent souvent des espaces de vie collectifs (jardins, terrains de sports, placettes).
  • Participer à l’éducation environnementale du citoyen : dans ce contexte, la perception de l’eau évolue. Le caractère simple, local et visible des ouvrages contribue à la sensibilisation et à l’éducation environnementale des citoyens. Ils peuvent être des acteurs de la gestion de l’eau, notamment lorsque les ouvrages se trouvent sur leurs terrains.
  • Maîtriser les risques d’inondation : différents principes de gestion « à la source » s’imposent pour réduire les risques d’inondation, limiter l’imperméabilisation des surfaces ou compenser les effets de cette imperméabilisation, pour diminuer les quantités d’eau qui ruissellent et le risque d’inondation en aval. Cette gestion permet aussi de limiter les volumes raccordés aux réseaux pour éviter leur débordement en aval.
  • Maîtriser les risques environnementaux : pour préserver l’alimentation naturelle des nappes et des cours d’eau, préserver la qualité des milieux naturels et les usages de l’eau (baignade, alimentation en eau potable).
  • Optimiser les coûts : l’expérience montre aujourd’hui que, pour un même niveau de protection, les solutions alternatives de gestion des eaux pluviales sont moins onéreuses en investissement que les solutions traditionnelles. De plus, la plurifonctionnalité des équipements permet d’optimiser le coût global des opérations et les coûts d’entretien.

Un outil de télé-contrôle des réseaux : RAMSES

Afin de piloter tout le système de lutte contre les inondations, le centre de télé-contrôle RAMSES (Régulation de l’Assainissement par Mesures et Supervision des Equipements et Stations) est mis en service en 1992. Il permet de surveiller 24h/24 les installations dédiées au service de l’assainissement, et de piloter en temps réel leur régulation pour assurer un écoulement optimal des flux hydrauliques. Il constitue l’élément essentiel de la lutte contre les inondations de l’agglomération bordelaise en raison notamment, de sa capacité à anticiper les crises. En 2007, la version II du télé-contrôle RAMSES a vu le jour. Ce joyau informatique est devenu un outil de gestion du système d’assainissement dans sa globalité, en incluant en plus du parc des stations pluviales et des bassins, la surveillance des postes de refoulement des eaux usées et des stations d’épuration 24h/24. Ce procédé allie ainsi l’informatique, l’automatisme, la télétransmission, la supervision et l’exploitation.

Depuis 2012, Il intègre la Gestion Dynamique, outil de modélisation et de gestion en temps réel des écoulements sur le bassin de collecte de la station Louis Fargue, permettant l’utilisation des canalisations pour stocker les eaux des petites pluies et limiter ainsi les déversements en milieu naturel. Enfin, le télé-contrôle RAMSES assure une mission importante de sécurité publique, particulièrement pour les intervenants réalisant des travaux dits « sensibles » sur le système d’assainissement de L’Eau Bordeaux Métropole, grâce à une surveillance météorologique renforcée, rendue possible par les images radar de Météo France et du réseau de pluviomètres au sol. Ce dispositif permet en effet, de faire évacuer les chantiers en cas de précipitations annoncées.

En 20 ans, Ramsès a prouvé son efficacité. Il a permis d’anticiper ou de gérer plus de 300 événements pluvieux significatifs comme ceux du 2 août 2011 et du 26 juillet 2013, de lutter efficacement contre de nombreuses inondations, de maîtriser, stocker et évacuer des centaines de millions de m³ d’eaux pluviales.

Présentation de l’outil de télécontrôle RAMSES lors des journées du patrimoines à Bordeaux

 Pour plus d’informations, voici deux articles qui parlent de RAMSES

https://www.latribune.fr/regions/smart-cities/les-girondins-se-placent-sous-la-protection-de-ramses-466217.html

http://www.20minutes.fr/bordeaux/867262-20120126-depolluer-eau-pluie-bordeaux

Bibliographie :

ASTEE. Gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement : bonnes pratiques ; aspects techniques et financiers, Strasbourg, Dec. 2015, 246 p.

CHAMOUX Christophe, 2003, Techniques alternatives en assainissement pluvial : de la théorie à la pratique. Thèse de doctorat de Gestion et valorisation de l’environnement. Nice : Université Nice Sophia-Antipolis, 503 p.

SENECHAL C., GUILLON A., KOVACS Y ., Pérenniser la gestion des eaux pluviales à la parcelle : cinq propositions à destination des législateurs, des gestionnaires d’ouvrages et des aménageurs, 2010, Novatech, 10 p.

WEREY C. et al. Gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement : de l’état des réseaux à la planification de leur réhabilitation ? Outils, méthodes et perspectives, Sciences Eaux & Territoires 2012/4 (Numéro 9), p. 44-53