Par Luigi CELSA
Introduction
Quand on pense ressourcerie on ne peut s’empêcher de penser au tri des déchets. En effet, de partout en France on nous vante les bienfaits d’une citoyenneté moderne associée à un changement de mentalité : le tri des déchets, considéré comme la garantie d’une transition vers une société durable réussie. On parle ainsi de l’écoresponsabilité des consommateurs. En France, durant le confinement causé par la pandémie mondiale de la Covid-19 (2020), les habitudes de consommation – tous domaines confondus – furent bouleversées par la mise en avant des circuits courts. Ces derniers invitent à repenser la durée de vie d’un objet, de son achat à son recyclage.
Le modèle consumériste responsable du gaspillage
Afin de comparer le niveau de consommation par habitant au sein de l’Union européenne, il est important de raisonner en parité de pouvoir d’achat (PPA). D’après les chiffres de l’INSEE, en 2018 les volumes de consommation effective par habitant vont du simple au double dans l’UE. La France appartient au groupe des 10 pays de l’ouest et du nord de l’Europe dont la consommation effective par habitant est supérieure à la moyenne (Luxembourg, Allemagne, Autriche, Danemark, Royaume-Uni, Finlande, Pays-Bas, Belgique, Suède et France). La France se situe 7% au-dessus de la moyenne européenne et occupe ainsi la 10ème place (cf. Figure 1).
La France joue donc un rôle déterminent en tant que chef de fil afin de changer les mentalités de consommation. Le modèle de consommation que nous connaissons aujourd’hui a déjà été impacté dans le passé, notamment lors de la dernière crise financière de 2008. En effet, la crise planétaire déclenchée en 2007 par l’effondrement du système des subprimes a eu des conséquences sur les sociétés du monde entier (PERRUT, 2012). Le modèle consumériste, responsable de cette crise et reposant sur l’industrialisation intensive et la mondialisation des marchandises, a construit un monde fondé sur des ressources épuisables. La conséquence en est que la mondialisation du modèle consumériste provoque un colossal gaspillage dont chacun sait qu’il est devenu insoutenable. Mais alors comment sortir du consumérisme et ainsi réduire considérablement le gaspillage ?
Dans son article « de la pacotille aux choses qui durent » (Le Monde Diplomatique, 2019), Razmig Keucheyan – sociologue et auteur de l’ouvrage « Les besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme. » (2019) – souligne que « 80 % des marchandises tombées en panne pendant la garantie sont rapportées au vendeur ou au constructeur pour réparation ». Ce chiffre permet de faire un constat simple : si l’objet est encore sous garantie lorsqu’il tombe en panne, le consommateur choisi de le faire réparer plutôt que d’en racheter un. D’après le sociologue, en France plusieurs associations se sont regroupés en collectif afin de promouvoir l’extension de la durée de garantie de deux à dix ans. En somme, dix ans de garantie permettraient de sortir du consumérisme et de réduire le gaspillage. Seulement, si l’extension de garantie n’est pas impossible à mettre en place, elle demande néanmoins de repenser tout le processus de production et la disponibilité des pièces détachées.
Tout comme l’allongement de la garantie des objets permettrait de réduire la consommation et le gaspillage, les ressourceries sont des structures qui gèrent la récupération, la valorisation et la revente de biens sur un territoire donné.
Une lueur d’espoir pour la consommation et contre le gaspillage : les ressourceries et les recycleries
Si 80% des objets qui tombent en panne pendant la garantie sont réparés, quand ceux-ci ne sont plus sous garantie, ils sont jetés. C’est à ce moment-là qu’interviennent les acteurs de l’économie sociale et solidaire : les ressourceries. D’après la chambre de commerce et d’industrie, les ressourceries sont des lieux de collecte, de réemploi et de revente d’objets usagers ou d’occasion. Issues de l’économie sociale et solidaire, ces structures sont souvent des associations ou des entreprises d’insertion qui s’inscrivent dans une démarche de préservation des ressources et d’économie circulaire. Les recycleries, quant à elles, poursuivent les mêmes objectifs de réemploi que les ressourceries, mais elles se distinguent par le fait qu’elles peuvent être monofilières, c’est-à-dire être spécialisées dans la collecte d’un type de bien (de jouets ou matériaux par exemple). Le terme recyclerie est également utilisé pour désigner des structures de réemploi multi-filières non adhérentes au Réseau National des Ressourceries.
Les ressourceries et les recycleries de Bordeaux Métropole
Économique et écologique, les ressourceries et les recycleries sont en vogues à Bordeaux afin de palier au consumérisme et de réduire le gaspillage. Ainsi on dénombre six ressourceries :
- L’Atelier d’Éco Solidaire : créée en 2010, cette recyclerie créative permet de prolonger la durée d’usage de vos objets et mobiliers ;
- Emmaüs Darwin : depuis plus de 70 ans, les valeurs qui animent le Mouvement sont avant tout humanistes ;
- Etu’récup : créée en 2015, cette association fonctionne sur un système d’économie circulaire, l’ambition de cette Ressourcerie est double : écologique et solidaire ! Ils récupèrent des objets et autres meubles afin de leur donner une seconde vie, en les revendant à bas prix en boutique ;
- La Boucle : créée en 2021, il s’agit d’un lieu pour se rencontrer, réparer, donner une seconde vie à nos objets et partager un bon petit plat ;
- RECUPR : Créée en 2008, le but principal est la réduction des déchets, du gaspillage des biens de consommation, ainsi que la sensibilisation de la population aux impacts de nos modes de consommation ;
- Recyclerie Sportive : créée en 2015, L’association a pour but de favoriser l’accès au sport à tous et de prioriser le développement de l’emploi local et l’insertion professionnelle de personnes en difficultés.
Conclusion
En somme, dans un contexte de surproduction, de surconsommation et d’épuisement des ressources naturelles, il est grand temps de faire évoluer les comportements en faveur d’un développement durable. Le principe des ressourceries et des recycleries est de proposer une solution durable afin de limiter la consommation et de réduire le gaspillage en donnant une seconde vie à tous types d’objets et de vêtements.
Bibliographie
CHAMAYOU, Grégoire. 2019 : De la consigne au recyclage. Le Monde Diplomatique
Chambre de commerce et d’industrie. 2021 : Ressourceries et recycleries. CCI
HENNETON, Thibault. 2018 : Planifier l’obsolescence. Le Monde Diplomatique
INSEE. 2018 : Consommation par habitant : la France au-dessus de la moyenne de l’UE. Insee Première
KEUCHEYAN, Razmig. 2019 : De la pacotille aux choses qui durent. Le Monde Diplomatique
MOATI, Philippe. 2010 : Étendre la garantie sur les biens de consommation à 10 ans. Le Monde
PERRUT, Dominique. 2012 : La régulation financière après la crise des « subprimes » : quelles leçons et quelles réformes ? Fondation Robert SCHUMAN, le centre de recherches et d’études sur l’Europe